Une formidable orchestration
A l'entrée de la salle de spectacle, vous êtes accueilli par la voix mélancolique d'un rasta chantant « Jah Rastafari ». Plus loin c'est l'impressionnant Yerbanga Lucien dans le rôle de Yombo qui vous accueille. Enchaîné à deux barres de fer, ses yeux ne clignotent pas, on croirait avoir à faire à une statut. La scène sous forme de barque cache mal la Tour Eiffel au fond de la scène. Le décor est planté. Il s'agit encore d'une histoire France-Afrique, sauf qu'ici il ne s'agit pas là d'être politiquement correct. Il s'agit de faire ses adieux à Paris après avoir subit toutes sortes d'humiliations généralement dues aux préjugés persistants aussi bien chez ceux qui reçoivent que ceux qui sont reçus.
Il faut dire que Abidine a vraiment trouvé, dans la mise en scène formidable de sa comédie musicale, une manière originale de parler de ces questions qui font mal.
L'histoire : jadis tranquille avec ses divinités, l'Afrique sera déchirée par sa rencontre avec l'Europe. Certains de ses fils aveuglés par la cupidité et le gain facile pillent et vendent leurs frères et les richesses culturelles. Ses divinités dont Yombo, improprement appelées « fétiches » deviennent des objets de contemplation dans les musées occidentaux tandis que Dieu des « blancs » s'installe pour longtemps. Petit à petit, le gaulois devient ancêtre des africains. L'Afrique partagée entre aide, soutien et conflits d'intérêts divers, devient le nid de tous les maux de la terre. Sa jeunesse se tourne vers l'eldorado européen qui au fil du temps se révèle être l'enfer. Fatigués, ils vivent un autre déchirement, celui du difficile retour vers la terre mère. Le sacré est spacio-temporel et Yombo parti longtemps avec l'arrivée des blancs doit retourner dans « son milieu naturel » malgré les pénible souvenir de ceux qui l'ont trahi. Cependant, le plus dur pour lui reste la conquête du cœur de toutes ces générations nées après lui. Retour vers la source, mais quelle source ? Les frontières sont de nouvelles réalités qui rendent compliquées la réconciliation entre les enfants et leur « mère Afrique » dont on les a trop tôt sevrés vers une mère qui n'a pas su leur donner la douceur tant miroitée.
Yambo ne rêve que d'une seule résidence. Celle qui pourrait colmater les fissures encore brûlantes appelées frontières et qui sont la cause de bon nombre de malheurs de ses enfants. Cette résidence, c'est le cœur de chacun des fils de la terre mère Afrique.
Cette histoire est rendu digeste grâce à Ouadraogo Aziz ( Francois), Minoungou Noel ( Michael Bigas), Guiguemdé Jean Paul ( Mamadou), et surtout de l'époustouflante Kaboré Safoura ( Miss Eldine) qui va allègrement du rôle de la vieille chinoise à celui de la vieille mossi en passant par celui de l'africaine révoltée et de la fillette harcelée. Il faut dire que ces acteurs ont maîtrisé leur texte et ont su le rendre pour le plaisir des spectateurs qui le leur ont rendu par des applaudissements.
Tout cela au rythme du « ligangari » (tam-tam gulmace) et d'autres tambours. Des percussions qui éveillent beaucoup de souvenirs enfouis dans la mémoire lointaine des enfants d'Afrique.
« Adieu Paris » écrite et mise en scène par Abidine Diaori COULIDIATY est la deuxième (après « Germe de folie », autre merveille) de sa jeune et prometteuse carrière. Au delà de son aspect comique cette pièce interpelle à l'introspection et à la réflexion sur la nature des relations entre l'Afrique et ses partenaires, et aussi et surtout du le rapport des africains à leur continent.
David SANON
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samedi 17 janvier 2009
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