L’Assemblée nationale a adopté le 20 novembre 2008, une loi régissant la promotion immobilière au Burkina. Présentée par le député Oumarou Paré au nom de la Commission du développement économique et de l’environnement, (CODE), cette nouvelle loi qui a été votée à l’unanimité des députés vient combler un vide juridique en matière de promotion immobilière dans notre pays.
En clair, elle vise à susciter une sorte de "boom du logement" au Burkina, en accordant un certain nombre d’avantages fiscaux et fonciers aux agences privées de promotion immobilière, à les inciter à davantage s’investir dans la construction de logements sociaux. Pour le ministre Vincent T. Dabilgou qui a défendu le projet de loi à l’hémicycle, il s’agit d’accroître l’offre de logements, pour faire face à la "pression de la demande". Mais déjà, la nouvelle loi, telle que votée par la représentation nationale, n’est pas vue d’un bon oeil par certaines agences immobilières qui redoutent la création à la pelle "d’agences accidentelles".
Plus de la moitié de la population mondiale vit en ville, depuis le début du XXIe siècle. Et cette urbanisation évolue de façon exponentielle et irréversible, avec son corollaire de difficultés. En toile de fond, l’on a la question du logement. A l’instar de la plupart des pays africains, le Burkina est dans l’ère de cette urbanisation galopante. Et la situation s’annonce plus préoccupante à l’orée des deux prochaines décennies. Car des études prospectives indiquent qu’à l’horizon 2030, plus de 3 millions de Burkinabè vivront dans la seule ville de Ouagadougou, et plus d’un million à Bobo Dioulasso, la seconde ville du pays.
Avec une telle population, la problématique du logement va s’ériger en difficulté majeure pour les citadins, et en casse-tête chinois pour l’Etat à qui échoit le devoir de satisfaire les besoins en logements accessibles à toutes les couches de la population urbaine. Il y a quelques années, le gouvernement burkinabè avait entrepris des lotissements massifs, la réalisation de cités résidentielles, la production de parcelles viabilisées, etc., dans l’optique de répondre aux besoins en logements qui se posent aujourd’hui.
Mais le constat est que ces efforts sont restés en deçà des besoins des populations qui éprouvent toujours des difficultés à se trouver un logement décent. D’où la nécessité de libéraliser le secteur immobilier, voire encourager l’implication des promoteurs privés capables d’appuyer l’Etat dans l’accroissement de l’offre de logements. Jusqu’en novembre 2008, les agences immobilières relevant du secteur privé exerçaient sans un véritable encadrement juridique, ce qui a engendré une confusion dans l’exercice de l’activité. Avec la nouvelle politique de promotion immobilière, il s’est avéré important et prioritaire que le marché immobilier burkinabè soit régi par des lois et des mécanismes de fonctionnement précis.
C’est à cette fin que le gouvernement a, de concert avec l’ensemble des acteurs du secteur, élaboré un projet de loi soumis à l’Assemblée nationale, dont l’esprit et la lettre visent l’éradication des facteurs entravant l’émergence véritable de l’activité de promotion immobilière. En favorisant l’émergence de structures conséquentes agissant dans le secteur de la promotion immobilière, cette nouvelle loi qui a été présentée à l’hémicycle et adoptée le 20 novembre dernier à l’unanimité des députés, vise à offrir aux populations des logements et un cadre de vie décents. En même temps, elle précise les conditions d’exercice des activités de promotion immobilière et définit les conditions de production du logement social.
Avantages fiscaux et fonciers aux agences
En clair, la nouvelle loi accorde un certain nombre d’avantages fiscaux et fonciers aux promoteurs d’agences immobilières. "C’est du social", résume Yombi Ouédraogo, juriste au ministère de l’Habitat et de l’urbanisme, qui indique que le contexte d’avant ne permettait pas aux petits opérateurs économiques d’exercer dans l’immobilier en raison des impôts, des taxes et surtout du coût très élevé des parcelles. L’article 30 de la nouvelle loi sur l’immobilier accorde une minoration du prix du terrain du domaine foncier de l’Etat ou de ses démembrements aux sociétés de promotion immobilière. Les modalités d’octroi de cette minoration, ainsi que l’indique l’article 35, sont régies par un décret pris en Conseil des ministres.
L’on retient toutefois que le taux de la minoration varie en fonction du lieu d’investissement et est dégressif en fonction de l’importance de la ville. Toujours au titre des avantages spécifiques, la loi accorde aux promoteurs immobiliers une exonération fiscale substantielle et un allégement de taxes sur les principaux matériaux de construction dont la liste est précisée par arrêté conjoint des ministres en charge de l’Habitat, des Finances et du Commerce. L’éligibilité des promoteurs immobiliers aux avantages ci-dessus cités (dont les modalités d’attribution sont à déterminer par un décret pris en Conseil des ministres), est subordonnée, entre autres conditionnalités, au respect du pourcentage de logements sociaux à réaliser ; un pourcentage qui est lui aussi déterminé par les ministères en charge de l’Habitat, de l’Action sociale, de l’Administration territoriale et des Finances.
La nouvelle loi prévoit, à son article 37, des sanctions fermes contre les promoteurs immobiliers qui se seraient rendus coupables de détournement des avantages accordés. Il s’agit notamment du retrait d’agrément et de la suspension desdits avantages. Les projets immobiliers approuvés par le gouvernement feront l’objet de mécanismes appropriés de suivi et de contrôle par les structures appropriées tel que le Laboratoire national du bâtiment et des travaux publics (LNBTP). La direction de la promotion de l’Habitat et du logement créée au sein du ministère de l’Habitat est chargée de valider les études techniques de promoteurs immobiliers et de suivre la qualité de la réalisation des constructions sur le terrain. Une loi régissant la promotion immobilière au pays des Hommes intègres est ainsi adoptée. Il était temps, serait-on tenté de dire.
Car dans la sous-région, le Burkina n’est pas pionnier dans le domaine, selon le directeur des études et de la planification (DEP) du ministère de l’Habitat. Léon Paul Toé précise même que notre pays est largement en retard par rapport à ses voisins tels que la Côte d’Ivoire, le Bénin le Sénégal, et surtout le Mali dont l’expérience aurait beaucoup inspiré l’élaboration du projet de loi sur la promotion immobilière au Faso. Au Mali, sont déjà constituées plus d’une soixantaine de sociétés immobilières réunies au sein d’une fédération, à en croire le DEP du ministère de l’Habitat. Mais chez nous, on n’en connaît que quelques-unes, à peine une dizaine, peut-être moins. Il n’y a même pas de chiffres officiels, car celles-ci ont jusque-là évolué dans l’informel, sans le moindre encadrement juridique, et ont de fait presque échappé au contrôle de l’Etat. Parmi elles, il y a l’agence AZIMO (Aliz immobilier SA) qui s’investit depuis des années, dans la production de "logements économiques" de moyen et de haut standing destinés à la vente au comptant ou par voie de contrat de location-vente.
Le directeur des affaires juridiques, du recouvrement et du contentieux de cette société, Karim Ouattara, salue l’adoption de la nouvelle loi, mais y voit une porte ouverte vers la création de "sociétés immobilières accidentelles". "Ce n’est pas parce qu’on n’a rien à faire avec son argent qu’il faut, par le biais de la nouvelle loi, et au regard des droits qu’elle confère, faire de l’immobilier un domaine d’investissement", prévient-il. Pour lui, il aurait plutôt fallu consolider les sociétés existantes qui sont déjà pétries d’expérience, afin qu’elles puissent apporter leur expertise qui n’est pas négligeable. "Avec l’ouverture qu’offre la loi sur la promotion immobilière, regrette-t-il, l’on court le risque d’en arriver à l’avènement de la débrouillardise dans l’immobilier, avec à la clef, la production de logements en banco".
Comme solutions à l’augmentation de l’offre du logement, M. Ouattara propose la privatisation des opérations de lotissement. Cela aurait permis, d’après lui, d’éviter les arnaques, et les mouvements de mécontentements que suscitent les opérations de lotissement dans les villes du Burkina. En outre, il faut noter que dans la politique nationale de l’habitat et du développement urbain, adoptée en Conseil des ministres le 7 mai 2008, il est prévu une assistance technique à l’auto-construction et aux acteurs du logement locatif. Cela se fera à travers la mise à disposition de plans types et un appui-conseil dans toutes les étapes d’exécution des projets de logements, notamment locatifs. Il est en outre prévu la mise à jour d’indicateurs sur le logement ainsi que le suivi de l’évolution des prix dans les domaines du logement.
Par Paul-Miki ROAMBA
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La nouvelle loi vue par le ministre Vincent T. Dabilgou
"Nous sommes dans un contexte marqué par une pression de la demande de logement, avec une offre très insuffisante. Or, comme vous le savez, la question de l’habitat est d’une très grande importance, c’est un enjeu majeur de lutte contre la pauvreté et de cohésion sociale. L’adoption de la loi régissant la promotion immobilière dans notre pays va accroître l’offre de logement. Le gouvernement a lancé un programme "10 000 logements sociaux" qui s’intéresse spécifiquement aux ménages les plus faibles, parce que c’est du social. Mais le gouvernement à lui tout seul ne peut pas satisfaire la demande. C’est pourquoi il faut créer les conditions pour que le privé puisse appuyer les actions portées par le gouvernement, dans le cadre un bon partenariat public-privé. C’est pourquoi cette loi vise à inciter véritablement l’ensemble des opérateurs économiques qui veulent s’organiser mais qui faisaient face à un vide juridique, organisationnel et réglementaire. Je suis donc satisfait et persuadé que cette loi va créer des conditions pour l’émergence du secteur privé dans le domaine immobilier, à même de pouvoir appuyer les efforts du gouvernement pour satisfaire l’offre par rapport à une demande de plus en plus exigeante et de plus en plus diversifiée sur l’ensemble du pays".
Le parc de logement du Burkina
De source proche du ministère de l’Habitat, le parc du logement au Burkina est constitué à plus de 90% par l’auto-construction. A ce jour, le nombre de logements produits par l’Etat est estimé à 5 000. A côté de cela, il y a la contribution des promoteurs privés qui est estimée à environ 4000 logements. En matière d’offre actuelle, on peut citer le programme "10 000 logements sociaux" en cours de réalisation ainsi que d’autres projets initiés par certains promoteurs privés.
Où en est-on avec les 10 000 logements sociaux ?
La campagne d’inscription au programme 10 000 logements sociaux qui s’est déroulée de janvier à avril 2008 a permis d’enregistrer exactement 28 189 souscriptions sur l’ensemble du territoire national. Le 12 juillet 2008, 144 logements de la tranche pilote ont été attribués. Avec l’affectation budgétaire annuelle de 2 milliards de F CFA, les travaux de construction de 264 logements sont en cours à Ouagadougou, Bobo Dioulasso, Fada N’Gourma et Koudougou. Le taux d’exécution des chantiers était estimé à plus de 70% en fin décembre 2008. La tranche 2009 concernera la construction de 3000 logements dans tous les chefs-lieux de région. Les sites pour la réalisation de ces logements sont déjà identifiés et les premiers appels d’offres seront lancés en janvier 2009.
Propos recueillis par Paul-Miki ROAMBA
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mercredi 21 janvier 2009
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