lundi 22 décembre 2008.
Samedi dernier dans l’après-midi, nous avons appris le décès d’Issoufou Joseph Conombo. Le vénérable patriarche de Tampinko a rendu l’âme dans l’avion qui le ramenait de l’Hexagone, 30 minutes avant son atterrissage à l’aéroport international de Ouagadougou. Ancien parlementaire, ancien ministre des Affaires étrangères, ancien Premier ministre, c’est un homme qui aura sans aucun doute marqué d’une pierre blanche l’histoire de notre pays.
Enfant déjà, nous entendions parler de Joseph Conombo, un des grands dirigeants du PDV RDA. Une vingtaine d’années plus tard, nous apprendrons davantage à le connaître, en le côtoyant dans le cadre de notre métier de journaliste. Avec ce grand homme, nous avons même eu l’insigne honneur de passer deux heures lors d’une interview. C’était en septembre 1996.
Et voilà les quelques mots échangés avant l’entretien lorsque nous l’avons joint au téléphone à son domicile sis à Dapoya :
Bonjour monsieur
Bonjour
Nous voulons parler au docteur Conombo
C’est lui-même à l’appareil
Nous vous appelons pour vous relancer à propos de l’entretien dont nous avions parlé
Sans problème, je vous attends à Tampinko, mon village, pour sa réalisation Et nous voilà samedi 14 septembre 1996 à Tampinko dans le Bazéga à 7 km de Kombissiri L’air y était pur, le temps clément et la saison s’annonçait pleine de promesses. Le soleil était au zénith, et des hommes d’un âge certain conversait à l’ombre d’un arbre .Etait de ceux-là le docteur Conombo
Avant le début de l’entretien, il nous fera visiter ses réalisations sur fonds propres au profit de son village :
une école de six classes et des logements pour maîtres ;
une infirmerie et une maternité avec logements ;
une grande salle de réunions ;
un château pour desservir les habitants en eau courante, le tout électrifié grâce à l’énergie solaire. Selon notre hôte du jour, pas moins d’une centaine de millions de nos francs ont été nécessaire pour ces réalisations.
L’homme
Homme politique confirmé depuis des lustres , Issoufou Joseph Conombo n’a pas eu à attendre l’ère de l’indépendance du Burkina pour être membre d’un gouvernement : à l’époque où les petits écoliers de notre pays s’égosillaient à chanter la Marseillaise, lui était déjà membre du l’Exécutif français en qualité de secrétaire d’Etat à l’Intérieur aux côtés d’un certain François Mitterrand. C’était en 1954.
Fils d’une famille de neuf enfants, Issoufou Joseph Conombo (qui signifie selon lui un dur à cuir ou, si vous voulez , nous ne reculons pas devant nos ennemis), qui nous a révélé avoir eu une enfance malheureuse, où s’offrir le plat quotidien s’apparentait à la quadrature du cercle, naquit le 9 février 1917 à Kombissiri. Enfant, son père, s’étant converti à l’islam, l’inscrivit d’abord à l’école coranique. Puis ce fut l’école du Blanc à l’âge de neuf (9) ans, le 1er octobre 1926 à Ouagadougou à l’école primaire supérieure (actuel lycée Nelson Mandela).
En 1936, il entre à l’école normale William-Ponty de l’AOF à Gorée. Etudiant à l’école africaine de médecine et de pharmacie de Dakar à partir de 1938, il en sort en 1942 avec le diplôme de médecin africain. Mobilisé comme médecin militaire au sein de la cinquième division d’infanterie coloniale, il participe aux opérations du Maroc, à la libération de la Corse ,au débarquement en Provence, puis aux campagnes d’Alsace et d’Allemagne. Cité à l’ordre de la brigade, il est décoré de la croix de guerre.
Médecin-chef à Batié dans le sud -ouest du Burkina en 1945, il adhère à l’Union Voltaïque, le mouvement africain qui milite en faveur de la reconstitution du territoire de la Haute –Volta partagé entre la Côte d’Ivoire, le Mali et le Niger. En 1948, Conombo est élu conseiller de l’Union française sous l’étiquette d’Indépendant d’outre-mer.
De retour en France pour exercer son mandat, il s’inscrivit à la faculté de médecine de Paris, étant obligé de refaire toutes ses études pour pouvoir exercer en métropole. Il est reçu docteur avec mention très bien après avoir soutenu une thèse sur le traitement de la maladie du sommeil. C’est le 30 octobre 1948 que Conombo convola en justes noces à la cathédrale de Ouagadougou avec Bernadette, décédée en 1972 en laissant cinq enfants, soit trois filles et deux garçons. Un des deux garçons, du nom de Pierre, officier des transmissions dans notre armée, est décédé il y a une dizaine d’années avec le grade de capitaine.
Le politique
Aux élections législatives du 17 juin 1951, Joseph Conombo conduisit la liste de l’Union pour la défense des intérêts de la Haute –Volta qui avec 146 861 voix sur 249 940 suffrages exprimés, obtint trois des quatre sièges à pourvoir par le collège unique de Haute –Volta. Le 30 mars suivant, il élu conseiller général de Ouagadougou .Inscrit au groupe parlementaire des indépendants d’outre-mer, il est nommé membre de la Commission de la famille, de la population et de la santé publique, dont il est élu secrétaire en 1951 et 1953 ; de la Commission des pensions et des finances, dont il est également secrétaire en 1954.
Selon des sources dignes de foi, au cours de cette législature, il eut à faire plusieurs propositions de loi relatives au statut des chefs coutumiers en AOF et en AEF, au transfert du siège de l’Assemblée de l’Union française ainsi qu’aux territoires d’outre-mer. Le 4 septembre 1945, Joseph Conombo est nommé secrétaire d’Etat à l’Intérieur dans le cabinet Mendès France, il est aussi l’un des premiers Africains à participer à un gouvernement français .Lors du remaniement ministériel du 20 janvier 1956, il est nommé secrétaire d’Etat aux Affaires économiques ,chargé des problèmes de l’Union française, poste qu’il occupa jusqu’à la chute du gouvernement le 4 février 1955.
Aux élections anticipées du 2 janvier 1956, Joseph Conombo conduisit la liste du Parti social de l’éducation des masses africaines (PSEMA), dont il a été le fondateur en 1953, qui emporta deux des quatre sièges à pourvoir avec 273 232 voix sur 626 136 suffrages exprimés. Le 13 janvier 1956, il dépose une proposition de loi portant augmentation du nombre des députés représentant les territoires de l’Union française, car, pour lui, la France se devait d’établir en Afrique noire un solide bastion de confiance.
La Haute –Volta devenue l’indépendante, le docteur Conombo eut à y occuper les postes les plus prestigieux ; jugez-en vous-même :
premier vice-président de l’Assemblée nationale de Haute-Volta en 1961 ;
maire de Ouagadougou de 1961 à 1965 ;
directeur général de la Santé publique 1966 -1968 ;
député à partir de 1970, toujours réélu jusqu’en 1978 ;
ministre des Affaires étrangères du 26 février 1971 au 8 février 1974, qui marqua l’ouverture diplomatique sur Pékin ;
Premier ministre du 7 juillet 1978 au 25 novembre 1980.
Mais l’alternance a son côté charmant, même s’il faut reconnaître qu’en ce qui concerne les dignitaires de la IIIe République, ils ont été débarqués de force par les colonels, dirigés par Saye Zerbo. Conombo et ses amis vont alors connaître les durs moments de privation de liberté et des brimades de toutes sortes ; c’était le 25 novembre 1980. Lorsque nous l’avons rencontré dans son village de Tampinko et bien d’années après lorsque nous lui rendions visite à son domicile de Dapoya, pas un seul instant nous n’avons pu déceler la moindre hargne, le moindre dépit, le moindre ressentiment à l’endroit de ses tombeurs du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN).
Chrétien pratiquant, il l’était au fond de son âme, car à une de nos questions, relative « à ces années de braise « vécues sous le règne des colonels, il poussera même la charité chrétienne jusqu’à dire : "J’ai eu pitié des dignitaires du CMRPN lorsqu’un matin, ils ont été alignés pour sortir nos lits et mettre à leur place des nattes".
Père du jumelage Ouaga –Loudun, Conombo, on s’en souvient avait caressé le vibrant désir de se présenter à la présidentielle de 1978 et s’était même préparé une plaquette, intitulée mon idée , dans laquelle il exposait sa vision pour sortir notre pays du sous-développement. Avec en sus des postes géants intitulés, Conombo, un président pour tous. Mais, comme on le sait il ne se présentera pas à cette présidentielle.
Ecrivain, il l’était aussi, et ses deux derniers ouvrages, acteur de mon temps : un Voltaïque dans le XXe siècle et une autre conquête pour l’Afrique par la charité et l’amour, paru à l’Harmattan en 2003, restent un témoignage de son itinéraire politique. Voilà brossée la vie fort remplie de ce patriarche que le Faso pleure aujourd’hui et qui reposera dès demain mardi dans son village de Tampinko où il s’était fait construire un caveau depuis déjà bien longtemps.
Boureima Diallo
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Programme des obsèques
Lundi 22/12/08 9 h 30 : exposition du corps à son domicile 20 h : veillée de prière à son domicile sis à Dapoya II
Mardi 23/12/08 8 h 00 : levée de corps à son domicile pour une messe à l’église Sacré Cœur de Dapoya 10 h 00 : départ pour Kombissiri, arrivée du corps et hommage de la population de Kombissiri au Dr. Conombo suivi de l’bsoute à l’église saint Joseph de Kombissiri 11 h 30 : Fin de l’absoute et départ pour l’inhumation à Nazougma
L’Observateur Paalga
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mercredi 24 décembre 2008
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