vendredi 26 décembre 2008.
Ainsi s’est exprimé le président Blaise Compaoré lorsque les journalistes ont requis son avis sur la situation qui prévalait en Guinée suite à la mort de Conté. C’était le 23 décembre 2008 à Ouagadougou, à l’issue de l’audience solennelle d’installation de trois nouveaux membres du Conseil constitutionnel burkinabè.
Lansana Conté s’est « investi pour son pays avec des limites très marquées ; espérons que l’évolution actuelle de la situation va permettre très rapidement le rétablissement de la démocratie et de l’Etat de droit et surtout permettre aux Guinéens, qui attendaient longtemps de participer aux élections crédibles, de le faire ».
Des propos qui traduisent à suffisance l’état des rapports qui prévalaient depuis un certain temps entre les deux hommes d’Etat. C’est en fait un doux euphémisme que de dire que Conté et Compaoré ne filaient pas le parfait amour. Et c’est même peu dire, car entre Ouagadougou et Conakry, les nuages se sont tellement amoncelés qu’il faut remonter à mathusalem pour se rappeler une visite de l’un à l’autre dans leurs capitales respectives.
La pomme de discorde entre les deux présidents : le Liberia, la Sierra-Leone, voire la Côte d’Ivoire. Conakry a toujours accusé Ouagadougou de pyromanie dans ces pays par un soutien massif aux différentes rébellions qui sévissaient dans ces Etats, limitrophes de la Guinée.
Une autre raison pour laquelle l’ex-grabataire de Wawa avait une dent tenace contre l’enfant terrible de Ziniaré : ce sont les liens solides que Blaise Compaoré entretient avec certains opposants guinéens, notamment Alpha Condé, qui a, non seulement de la parentèle au Burkina, mais particulièrement ses entrées au palais de Kosyam. Et quand on sait que de son vivant, Lansana Conté ne voulait pas voir cet Alpha-là, même en peinture…
On comprend du coup pourquoi le président du Faso, en la circonstance, n’a pas fait dans le langage diplomatique quand il a mis en exergue les limites de son pair guinéen.
Des propos qui ont dû faire rebondir nombre de ses opposants et contempteurs, qui auront beau jeu de l’accuser de s’occuper de la paille dans l’œil de Conté au lieu de la poutre qu’ils voient dans le sien. En effet, vous avez dit fraude électorale ?
Force est de reconnaître que ce même fléau est toujours dénoncé chez nous aussi à l’issue de tout scrutin, même si on peut en relativiser l’ampleur selon les enjeux. Idem pour la gestion des affaires publiques, puisque, même si notre pays a enregistré d’énormes progrès de gouvernance et a souvent été primé dans certains domaines, comme celui du climat des affaires, il reste que le Burkina doit et peut encore mieux faire.
Quant à la longévité au pouvoir, dont on redoute l’usure, il n’y a rien à dire, car à la fin de son présent mandat, Compaoré aura totalisé 23 ans de règne contre 24 pour son homologue de Conakry. Mais ce record pourrait très bientôt être battu par notre président, qui a la possibilité constitutionnelle d’ajouter cinq autres années à son compteur, puisqu’aucun argument tiré de notre loi fondamentale ne peut l’empêcher de se présenter en 2010.
Blaise est donc mal placé pour donner des leçons aux autorités guinéennes, car le Burkina non plus n’est pas un exemple achevé de démocratie.
Ce que l’un et l’autre doivent savoir, c’est que les longs règnes sont toujours source de difficultés et de lendemains incertains : cas de la Côte d’Ivoire avec Houphouët, du Zaïre avec Mobutu, du Togo avec Eyadéma, du Zimbabwe avec Mugabe, du Burkina avec Compaoré, etc.
Espérons donc que Blaise Compaoré va mettre à profit ce qui reste de son mandat et peut-être du 3e que le peuple pourrait le cas échéant lui donner en 2010, pour éviter le plus possible les travers qu’il a reproché à juste titre à Lansana Conté d’avoir eus.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga
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