Universités de Ouagadougou : Rentrera, rentrera pas ?
vendredi 19 décembre 2008.
Quand finit l’année académique 2007-2008 et quand commence l’année académique 2008-2009 ? Voilà un sujet qui mériterait une thèse de mathématiques ou d’astronomie. Car de l’agilité intellectuelle, il en faudra pour maîtriser les chiffres des dates ou l’espace-temps dans lesquels évolue la vie universitaire sur les campus de Ouagadougou.
En mi-décembre -qui correspondait, en temps normal, aux derniers jours du premier trimestre-, on en est encore à se demander si l’année précédente va enfin s’achever et si la nouvelle va commencer ; ce qui est une véritable équation à plusieurs inconnues, comme le souligne le compte-rendu de l’Assemblée générale du Synadec en date du 27 novembre.
Après la reprise au forceps du 1er septembre, les nuages s’amoncellent de nouveau dans le ciel des universités de Ouaga I et de Ouaga II (s’il y en a !). Les enseignants-chercheurs que plusieurs rounds de négociations -où ont dû intervenir les députés-, ont amenés à reprendre les activités académiques menacent de nouveau de déposer la craie. Magloire Somé et ses camarades sont décidés à se faire entendre, avec les moyens du bord.
Ils ont ainsi décidé à leur assemblée générale de prendre en otage les copies de la deuxième session des examens de 2007-2008 et de ne pas délibérer tant que ce qu’ils appellent la dette sociale n’est pas payée. Ce qu’ils appellent ainsi avec un langage ésotérique propre aux chercheurs comprend des indemnités de logement, les frais de correction des copies, les heures complémentaires. Sans le paiement de cette dette sociale, il n’y aura pas de fin d’année universitaire 2007-2008, préviennent-ils ! Les étudiants du campus de Zogona pourraient donc se retrouver en janvier ou février 2009 en train d’attendre toujours leurs résultats.
Devant la menace, les autorités ont dû se résoudre à faire un geste. Ainsi, un communiqué sur le site de l’université en date du 12 décembre informe que « Le gouvernement préoccupé par les problèmes de l’Enseignement au Burkina Faso et plus particulièrement par ceux de l’Enseignement Supérieur, a décidé d’apurer le reliquat de l’indemnité de logement des enseignants-chercheurs de l’Université de Ouagadougou. Cet apurement concerne les années 2005, 2006 et 2007 ». Selon ce communiqué signé par le service de presse et communication de l’université, le gouvernement aurait décidé de solder le passif de l’indemnité de logement des enseignants-chercheurs pour compter du mercredi 10 décembre.
Et un chèque aurait même été émis à cet effet. Ce « viim koèga », cette bonne parole que les intéressés devraient accueillir avec satisfaction, est plutôt reçu avec une certaine déception. En effet, ce qui est annoncé comme un solde de tout compte ne représente en réalité que la bagatelle de 5 000 F CFA par mois, soit 60 000 F CFA par an et un total de 180 000 F CFA par enseignant pour les trois années d’arriérés. Certainement une jolie cagnotte en ces temps de vie chère mais bien dérisoire pour le standing d’un enseignant-chercheur d’université.
On comprend alors les militants du Synadec, et leurs sympathisants refusent de lâcher l’affaire car ces dernières mesures évitent soigneusement de parler de la question des salaires qui est l’une des principales revendications. Nos Einstein de la fac s’estiment payés au lance-pierres car, après un minimum de bac+8, ils ont à peine de quoi vivre chichement et rester dignes avec des salaires qui, s’indigne le Synadec, crée des conflits dans les foyers au lieu d’y mettre de l’huile.
Si comparaison n’est pas raison, nos théseurs rappellent qu’au Niger voisin (aussi mal loti que nous dans les classements des institutions économiques) leurs homologues sont nettement mieux payés : avec 148 000 pour l’assistant, 185 000 pour le maître-assistant, 301 000 pour le maître de conférences et 354 000 pour le professeur titulaire, les enseignants burkinabè ont des « per diem » par rapport aux enseignants nigériens qui débutent leur carrière avec le même niveau de rémunération que le Burkinabè en fin de carrière ! Alors le Synadec réclame une revalorisation des salaires dans les meilleurs délais « pour rasséréner les esprits et permettre la reprise des activités académiques », sinon, « il n’y aura pas de rentrée universitaire 2008-2009 », prévient-il.
Le Pr Joseph Paré, lui-même enseignant de son état, a beau rappeler à ses confrères qu’au Niger, par exemple, les enseignants sont astreints à un volume horaire d’enseignements plus élevé, il n’a pas encore réussi à les convaincre de mettre de l’eau dans leur vin qu’ils voudraient voir plus mousseux. Car au Burkina, si on a de bas salaires, on a aussi moins de travail et plus de temps libre pour la recherche et les consultations.
Et certains en profitent même pour faire plus de consultations et de deals que de recherches, comme des étudiants le reprochent à certains enseignants ; un système gagnant-gagnant par défaut en somme ! Mais entre intellectuels, on trouvera certainement un terrain d’entente sans en arriver à la rupture d’il y a quelques mois. Lors des dernières négociations gouvernement-syndicats, l’équipe de Tertius Zongo a bien fait des concessions sur la revalorisation du point indiciaire, le prix des carburants qui ne sont pas négligeables, même si au passage il n’oublie pas de rappeler que les salariés ne sont pas les seuls à pouvoir revendiquer de meilleures conditions dans un pays comme le nôtre où ils représentent à peine un dixième... Les protagonistes du campus de Zogona devraient s’en inspirer. Car, pendant ce temps, les malheureux étudiants « admis » aux différentes sessions de rattrapage en sont toujours à ronger leurs freins sans savoir en quelle année académique ils sont.
A. Traoré
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